WINTZENHEIM.HISTOIRE

La Forge : Jean Kiener fils (1838-1895)


WintzenheimJean Kiener Fils vers 1887 (photo Antoine Meyer Colmar)

Manufacturier et agronome

Jean Kiener, manufacturier et agronome au château de La Forge, près Walbach, dans la Haute Alsace, est né à Gunsbach, vallée de Munster, le 23 février 1838. Il gère en commun avec son frère Alphonse, également né à Gunsbach le 30 décembre 1840, les affaires de la maison industrielle créée par son père, mort le 18 mars 1875, à l'âge de 83 ans, et qui était natif de Hunawihr. La maison, inscrite au registre du commerce sous la raison sociale Jean Kiener Fils est une des plus importantes du pays. Elle comprend un ensemble d'établissements situés à Gunsbach, à Walbach, à Turckheim, à Metzeral, à Kaysersberg et au Ménil, en France, exploitant diverses industries telles que la filature et le tissage du coton, la confection de lingerie, la minoterie, la fabrication d'outils agricoles et d'ouvrages en bois. Dans la gestion des affaires de la maison, M. Alphonse Kiener s'occupe particulièrement de l'achat des matières premières mises en œuvre et des opérations financières, tandis que son aîné s'intéresse surtout à la direction technique. Suivant l'exemple paternel, chacun dans la sphère de ses aptitudes spéciales, les deux frères ont réussi à faire prospérer leurs entreprises et continuent à donner une extension de plus en plus grande à leurs établissements.

Après avoir terminé ses études classiques, M. Jean Kiener, tout en s'initiant sous l'impulsion de son père à l'industrie et au commerce, s'attacha avec ardeur à la pratique de l'agriculture sur une base scientifique. Jouissant d'une fortune considérable, il n'a pas craint d'employer une bonne partie de ses ressources à des expériences d'agronomie portant à la fois sur la culture des terres et sur l'élève [sic] du bétail. En ce qui concerne la culture, il a fait des essais étendus et répétés sur l'emploi des engrais chimiques, à une époque où les cultivateurs alsaciens n'employaient guère que le fumier de ferme. Quant à ses expériences de zootechnie, elles portent notamment sur la sélection, le croisement et les effets de la consanguinité chez les animaux domestiques, sur la valeur nutritive des aliments donnés à ces animaux, sur la production et le dressage du cheval demi-sang, sur l'application de l'incubation artificielle à l'élevage des volailles. Sa ferme à côté du château de La Forge, et surtout ses étables, présentent des installations qui peuvent servir de modèles. Membre de la Société d'acclimatation de Paris et de la Société des agriculteurs de France, il a pris une part active aux études spéciales de ces deux corporations. Le Journal de l'agriculture de Barral a publié bon nombre d'articles sur les résultats de ses recherches, tandis que le recueil de la France chevaline et la Revue des haras ont fait connaître ses observations sur le caractère du cheval et sur la ferrure. Ces études attestent un observateur sagace et un habile expérimentateur. Dans la vallée de Munster, où la race du bétail indigène laisse encore beaucoup à désirer, faute d'une sélection bien dirigée, M. Kiener a introduit de bons reproducteurs, en même temps qu'il a créé un troupeau de la race Durham, dont les meilleurs éleveurs anglais pourraient être fiers.

Au Conseil général du Haut-Rhin, où il représente, depuis l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne, le canton de Munster, comme à la Délégation d'Alsace-Lorraine, dont il a fait partie également, M. Jean Kiener s'est appliqué tout particulièrement à défendre les intérêts de l'agriculture, tandis qu'à la Chambre de commerce de Colmar il a fait un important rapport sur les importations temporaires des tissus étrangers. Aucun sacrifice ne lui coûte trop ni ne le fait reculer, quand une amélioration rémunératrice est en question. Après avoir appuyé de tout son pouvoir la création des réservoirs d'eau dans les montagnes pour la régularisation du régime des torrents, il s'est chargé à ses frais, avec le concours de son frère, de la correction du cours de la Fecht dans la vallée de Munster. Ce grand travail mérite, à juste titre, de fixer l'attention des ingénieurs.

Les torrents descendus des Vosges, on le sait, subissent des variations de débit énormes. Tout particulièrement la Fecht se gonfle dans l'espace d'une soirée, de manière à rouler un volume d'eau de cent mètres cubes par seconde, après avoir été un ruisseau paisible quelques heures auparavant. Quel mal font ces afflux rapides et violents, les populations riveraines ne le savent que trop. Plus d'une fois, le torrent dévastateur a menacé d'emporter les villages et les bourgs construits sur son passage. Bien souvent, on voit les eaux débordées changer de cours et se creuser un lit nouveau à travers les prairies riveraines. Pour mettre un terme aux déprédations de la Fecht, il faut régler l'écoulement de ses eaux à travers un lit fixe et continu, en même temps qu'une partie de ces eaux est retenue dans les réservoirs au haut des vallées. Dans le système de défense admis par M. Kiener, entre Walbach et Gunsbach, sur une longueur de plusieurs kilomètres, le lit artificiel donné au cours d'eau a été ouvert au moyen d'une percée large de 27 mètres sur un mètre de profondeur. Les rives ont reçu des talus de 4 mètres, à inclinaison douce, avec un revêtement de pierres. Comme la pente du fond dépasse un centimètre par mètre, on l'a réduite à 5 ou 6 millimètres au moyen de seuils en bois, qui entravent l'affouillement des rives. Deux forts barrages assurent l'alimentation des canaux usiniers et des canaux d'irrigation ménagés sur les rives pour donner la force motrice aux fabriques et l'eau nécessaire aux prairies. La maison Hartmann a continué ces ouvrages sur une certaine étendue en amont du domaine Kiener.

Tout à la fois agronome de mérite et grand manufacturier, M. Jean Kiener a affirmé d'un autre côté l'obligation pour un chef de maison intelligent et généreux d'améliorer la condition de ses ouvriers dans la mesure possible. Dans une fête de famille donnée au château de La Forge, le 17 mai 1885, deux ans après avoir introduit dans son établissement l'industrie, nouvelle pour lui, des tissus façonnés, il disait au personnel de la maison convié à cette fête : " Nous pouvons tenir comme une consolation suprême et en avoir un légitime orgueil d'avoir, par une organisation aussi simple qu'efficace dans les résultats, rendu la nourriture, le logement et le vêtement de l'ouvrier meilleurs et moins chers, sans grands sacrifices pour les finances de la maison et au grand avantage de celle-ci ". C'est un fait positif que les patrons trouvent profit à améliorer les conditions d'existence de leurs ouvriers. M. Alphonse Kiener, qui a épousé une fille de M. Neblot, d'Héricourt, sénateur de la Haute-Saône, a secondé son frère dans ses œuvres humanitaires. Une salle d'asile entretenue aux frais de la maison, à côté de sa cité ouvrière, complète, avec un magasin de comestibles et d'épicerie où les objets de consommation sont livrés au prix de revient, les institutions de secours ordinaires organisées en faveur des ouvriers.

Source : Biographies Alsaciennes avec portraits en photographie par Ant. Meyer, 4e série, 1887-88


"La Culture Physique" à Strasbourg

L'hippisme. - L'hippisme à Strasbourg est représenté par quelques éleveurs agricoles dont les principaux sont MM. Langflnger, Hanck, Goezmann et Bignel, et quelques gentlemen-riders qui montent ou leurs propres chevaux ou ceux des deux grandes écuries du pays : celles de M. Kiener, à Walbach, et de M. Utzschneider, à Sarreguemines.

Les gentlemen-riders les plus distingués et les plus populaires sont, sans aucun doute, les deux fils de notre secrétaire d'État, MM. Clauss et Mattern Zorn de Bulach. Ce sont eux qui triomphent presque régulièrement aux courses de Strasbourg, mais ils ont souvent aussi fort bien défendu nos couleurs alsaciennes aux grandes réunions internationales de Baden-Baden, Francfort, Wiesbaden, etc., etc.

Source : La Culture Physique, organe de l'énergie française, 15 août 1911


Alsace-Lorraine - Mort de M. Jean Kiener

On annonce la mort de M. Jean Kiener, de Walbach, décédé à Wiesbaden le mardi 12 novembre 1895.

Né le 23 février 1838 à Gunsbach, près de Munster, Jean Kiener gérait, avec son frère Alphonse, une des maisons les plus considérables de l'Alsace, connue sous la raison sociale Jean Kiener fils, et comprenant un ensemble d'établissements situés à Gunsbach, à Walbach, à Turckheim, à Stosswihr, à Metzeral, à Kaysersberg et au Ménil, en France, exploitant diverses industries, telles que la filature et le tissage de coton, la confection de lingerie, la minoterie, la fabrication d'outils agricoles et d'ouvrages en bois.

Mais, à côté du commerce et de l'industrie, Jean Kiener s'adonnait avec ardeur à la pratique de l'agriculture scientifique. C'est lui qui a inauguré, en quelque sorte, l'emploi des engrais chimiques à une époque où les cultivateurs n'employaient guère que le fumier de ferme. Membre de la Société d'acclimatation de Paris et de la Société des agriculteurs de France, il a pris une part active aux travaux de ces deux corporations. Ses recherches et ses essais sur l'élève [sic] du bétail, sur le: croisement des races, sur la production et le dressage du cheval demi-sang, ont attiré l'attention du monde spécial et ont été consignés dans le Journal de l'agriculture, dans le recueil de la France chevaline et la Revue des haras. Sa ferme et ses étables du château de La Forge sont des installations modèles. C'est à lui que l'on doit aussi l'amélioration de la race du bétail de la vallée de Munster. De même, sa meute et ses chevaux comptent parmi les meilleurs du pays ; il a remporté à plusieurs reprises des prix aux courses de Paris et en Alsace.

Source : Journal des Débats politiques et littéraires du vendredi 15 novembre 1895.


Alsace-Lorraine

M. Jean Kiener, industriel et membre de la Délégation d'Alsace-Lorraine, vient de mourir à Wiesbaden, où il était en traitement pour une grave maladie qui le retenait depuis bientôt deux ans éloigné de la vie publique et des importants tissages et filatures qu'il exploitait en Alsace et en France.

M. Kiener était aussi un agronome et un éleveur distingué. Ses recherches sur le croisement des races, la production et le dressage du cheval de demi-sang ont été consignées dans le Journal de l'agriculture, la France chevaline et la Revue des haras. Il avait installé dans son château de La Forge, à Walbach, des étables et une ferme modèle, et c'est à lui surtout que l'on doit l'amélioration de la race de bétail de la vallée de Munster. Peu de temps avant d'être frappé par la maladie qui l'a emporté, M. Kiener se livrait à des expériences partiellement couronnées de succès avec un sérum anti-épizootique pour la race bovine.

M. Kiener avait épousé, en 1872, Mlle Cécile Weisberger de Ribeauvillé, dont il a eu deux fils et une fille.

Source : Le Temps du 16 novembre 1895


Copyright SHW 2019 - Webmaster Guy Frank

E-mail
contact@knarf.info

Retour au Sommaire
La Forge - Kiener