WINTZENHEIM.HISTOIRE

La gendarmerie de Wintzenheim de 1945 à 1965


Souvenirs de Bernard Laplagne, fils de gendarme


I - La gendarmerie

La présente étude veut montrer à travers l'exemple du bâtiment de la gendarmerie l'évolution et la transformation importante du paysage urbain de l'entrée ouest de Wintzenheim.

Le bâtiment principal de la gendarmerie tel qu'il existe encore actuellement en bordure de la rue Clémenceau date des années 1930. Il remplaçait des locaux situés dans le centre du village du temps où la brigade était encore une brigade à cheval. Occupé par une brigade de gendarmes allemands durant la seconde guerre mondiale il est revenu à sa vocation originelle dès la libération.

Il se situait jusque vers les années 1950 largement hors les murs, deuxième bâtiment à l'entrée de Wintzenheim à droite en venant de Colmar, après la maison TANNACHER devant laquelle se trouvait le panneau laqué bleu et blanc MICHELIN indiquant l'entrée du village. Seule une petite usine de tissage devenue ensuite usine JAZ et SAP était située quelques centaines de mètres en avant. Le garage LAUBER était le bâtiment suivant.

Du côté gauche de la route le premier bâtiment était celui de « l'hôpital » dont le terme recouvrait en réalité un « hospice de vieux», suivi immédiatement par la maison GUIDAT et la fonderie HAREN avec sa maison de maître toujours visible. A noter encore l'abattoir quelque peu en retrait rue .... et habité par la famille NEUHAUSER qui voisinait avec des préfabriqués d'après guerre hébergeant les familles MEINHARDT.

Tout l'espace construit actuel était à l'époque prairie (Stiermatt devant la gendarmerie sur la place de l'actuelle cours Langweil ; lotissement des Vosges; rue des frères Vidal et rue du 2 Février...) ou jardins. Nous développerons ce thème plus bas.

Outre les maisons évoquées ci-dessus et qui sont toujours visibles actuellement en l'état – hormis l'hospice qui a été entièrement détruit et reconstruit – existaient quelques maisons datant des années 1930, plutôt cossues rue des Trois-Epis et plutôt populaires avec 4 à 6 logements rue de l'hôpital, rue du général Bluem auxquelles répondaient les collectifs du fond de la rue des caves de l'autre côté de la Stiermatt.

Il s'agissait de bâtiments modernes proposant un confort hygiénique pour l'époque avec en particulier des WC et des salles de bains individuels. Les planchers et escaliers intérieurs étaient en bois, le chauffage au bois et au charbon individuel. Chaque appartement bénéficiait en outre d'un jardin potager.

Le nouveau bâtiment de la gendarmerie relevait de cette époque et de cette logique. Il était conçu pour accueillir 5 familles à côté des bureaux servant à accueillir le public en son RDC gauche. Il était complété par un petit bâtiment sur son arrière toujours en place qui accueillait une buanderie commune, un petit local technique et un garage à vélos. A son arrière et sur son flanc Est se trouvaient des jardins cultivés par chaque foyer.

L'extrait ci-dessous de la carte d'État major au 25000ème « COLMAR n° 5-6 levées de 1884 révisées 1957 » donne une idée assez juste – malgré quelques approximations dans certains détails – de la configuration de Wintzenheim en général et de son entrée Est au début des années 1960. On y retrouve et on pourra y situer les principaux points évoqués précédemment.

Wintzenheim
A noter sur un point particulier la représentation de la voie du tramway en hachuré càd en passe d'être déposée, ce qui date bien la carte.
Wintzenheim
La flèche indique l'emplacement de la gendarmerie

II - Galerie de photos

1 - Vues d'ensemble

En face de la maison TANNACHER et à l'intersection de la rue Clémenceau et de la rue de Trois-Epis (à proximité des actuels feux tricolores).

Février 1948

Wintzenheim

Photo prise d'Est en Ouest. On distingue au fond à droite successivement la maison TANNACHER, la gendarmerie et tout au fond la maison de l'I.P.C. [actuel Arthuss] au sequoïa si caractéristique, devant lequel on devine le garage LAUBER. A remarquer les poteaux supportant les caténaires du tramway dont on entr'aperçoit les voies, et le panneau WINTZENHEIM signalant l'entrée de la localité, derrière la tête dans l'axe du garçonnet.

Le platane marqué de blanc est le premier de l'une des deux rangées de platanes qui longent en direction de Colmar la route à partir de cet endroit. La chaussée est bordée d'herbes et du côté de la voie du tramway d'un chemin de terre inégalement empierré, également bordé d'herbes.

Janvier 1949

Wintzenheim

Photo prise quasiment au même endroit que la précédente. La maison TANNACHER est bien visible à l'arrière plan. La gendarmerie est au fond à gauche : on en distingue le toit du bâtiment annexe sur son arrière. A droite, l'angle du domaine de l'usine textile matérialisé par un poteau blanc. L'entrée de la double rangée de marronniers bordant la RN 417 est ici bien visible. Les cantonniers ont bien dégagé le caniveau pour l'écoulement des eaux pluviales de la route dans le fossé qui la longe.

Le garçonnet se trouve sur la canalisation qui amène le ruisseau qui traverse Wintzenheim depuis son entrée Ouest jusque dans le fossé qui va épandre et perdre ses eaux dans le prairies de la Stiermatt en aval.

On retrouve cet endroit précisément sur la carte du village ci-dessus ainsi que le tracé en bleu du ruisseau venant de Saint-Gilles qui se partageait en deux au niveau de la maison MEYER (chapelle Notre Dame).

Une partie des eaux allant dévaler à l'air libre les deux côtés de la rue Clemenceau dans la traversée du village - la grande joie des gamins en hiver - pour être captée et canalisée d'un côté au niveau de la maison BIRGY avant l'ancienne gare du tramway et de l'autre au niveau du garage LAUBER.

L'autre partie allant, après une large boucle vers le Nord puis l'Est, irriguer quelques jardins, alimenter deux lavoirs pour être enfin canalisée au niveau des anciens ateliers municipaux.

Et il y a de la pente, puisque le dénivelé est de 20 mètres entre les entrées Ouest et Est du village si on en croit la carte d'Etat Major !

 Été 1949

La photo est prise en été depuis la Stiermatt, la prairie qui se trouvait alors en face de la gendarmerie à la place de l'actuelle Cour Langweil.

A noter l'impressionnante inscription GENDARMERIE NATIONALE sur la façade qui subsistera jusque vers 1955. La France annonce ainsi fièrement son retour en Alsace et la réintégration de la province dans le giron national.

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 1964 - Vues prises depuis le deuxième étage de la gendarmerie directions Ouest et Sud-Ouest.

Nous sommes en 1964. La voie du tramway a été déposée. On en distingue encore l'emplacement avec sa rangée d'acacias. Le garage LAUBER est visible avec juste devant le mur de la résidence du 6a de la rue Clémenceau en construction. Le mur blanc du fond est celui de l'IPC [Arthuss] au séquoïa facilement reconnaissable.

Wintzenheim 

Au centre de la photo on distingue la maison GUIDAT et en avant, à gauche, les deux bâtiments accolés de l'Hôpital longeant directement la rue Clemenceau. Le bâtiment du fond étant de construction quelque peu plus récente que le bâtiment parallèle à la route beaucoup plus vétuste. L'un et l'autre ont été démolis au bénéfice de l'actuelle maison de retraite "Les Magnolias" construite largement en retrait par rapport aux bâtiments initiaux. Seul repère ancien encore en place de nos jours à son emplacement « à peu près originel » : le crucifix, que l'on voit sur le cliché derrière le premier arbre à gauche.

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Vue sur le Hohlandsbourg. On distingue au premier plan le coin Nord-Ouest de la Stiermatt et au deuxième plan le verger et les jardins de l'Hôpital. Comme encore assez largement en usage à l'époque, l'Hôpital vivait en bonne partie des fruits et légumes de ses terres. Pour la petite histoire, il peut être raconté ici que les détenus incarcérés pour quelques heures dans la « chambre de sûreté » de la brigade de gendarmerie bénéficiaient des repas confectionnés par l'Hôpital et apportés autant que de besoin par l'un de ses pensionnaires...

Au fond le mur blanc et les hangars de l'entreprise de constructions LUCCHINA. Les maisons vers la gauche datent de l'après guerre (maisons FINANCE, THEILLER ...). A noter que le pied du Rotenberg est à l'époque encore libre de toute construction.

2 - La gendarmerie vue de près

L'avant du bâtiment

Photo de famille du 2 mars 1947 devant le bâtiment de la gendarmerie.

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L'uniforme est réglementaire et rutilant, la barboteuse est pure laine des Pyrénées et tricotée main, le col est de renard... et le beau temps de la partie ! Le bébé est assis sur le coin du muret qui borde l'un des petits jardins décoratifs de part et d'autre de l'entrée. Le trottoir de granit marque la limite de propriété. Encore parsemé de quelques traces de neige il est en terre.

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Mai 1947. On voit ici clairement les jardins décorant la façade avant du bâtiment avec un lilas ainsi que l'arrondi autour de l'entrée et les murets surmontés de décorations en bois. A noter encore les rails du tramway, doublés au premier plan sur le passage à niveau de la rue de l'hôpital. La rue comme le trottoir est simplement empierrée. Nous en sommes encore à l'époque du goudronnage parcimonieux de lieux soigneusement sélectionnés, bien avant celle des enrobés et du macadam qui se répandront partout...

Le niveau des rails par rapport à celui de la rue est quelque peu approximatif. Cahots garantis pour ceux qui traversent !

Vues d'arrière

Travaux d'arrosage en août 1947. Il s'agit des jardins situés derrière le bâtiment. Ils ont actuellement disparu. On distingue la clôture grillagée de limite de propriété donnant sur la rue de l'hôpital avec de l'autre côté de la rue les petits immeubles de 4 logements datant de la même époque que celle de la gendarmerie.Il s'agit des jardins situés derrière le bâtiment. Ils ont actuellement disparu.

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La bicyclette juillet 1951. La cour n'est pas goudronnée : Gare à la chute ! Les herbes sont envahissantes mais ne résistent pas aux « corvées » régulières de desherbage de nos gendarmes qui sont ne l'oublions pas des militaires! Elles sont d'ailleurs particulièrement prospères dans la rue au delà de la clôture.

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La bicyclette est neuve ; elle vient de chez Emile KEMPF le marchand de cycles bien connu sur la place. Le bâtiment du 6a de la rue Clemenceau n'est pas encore construit. On distingue au loin, par delà le jardin de l'immeuble voisin, le garage LAUBER, le séquoïa de ce qui va devenir l'Arthuss, et vers la gauche la tache blanche de la maison BIRGY.

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Mai 1947. Vue depuis la rue de l'hôpital. On distingue ici nettement la rue non goudronnée avec sa bordure d'herbes folles. La voiture est la ROSENGART du gendarme BRUNET. A noter le tas de bois au pied de l'immeuble. Comme partout on se chauffe au bois et au charbon tant dans les logements des gendarmes que dans les bureaux. Le mazout et le chauffage central ce sera pour plus tard, bien plus tard.... Les petites fenêtres en bas à droite sont celles des deux chambres de sûreté. Les autres correspondent aux salles de bains et toilettes des logements.

(Photos collection particulière de Bernard LAPLAGNE)


III - Les gendarmes

Wintzenheim

La photo où l'on voit la brigade au complet en 1949 est particulièrement intéressante. Elle est prise direction Est : on voit au fond la maison TANNACHER. Légèrement en contrebas un jardin : les jardins font partie de l'environnement quotidien de ces années là. Il s'agit en effet de se nourrir dans les années de l'immédiat après guerre. Le jardin est celui du gendarme SCHELCHER : la dame accroupie qui y travaille est certainement Mme SCHELCHER.

Il s'agit de la composition type d'une petite brigade rurale de ces années là : un « chef » abréviation de maréchal des Logis chef et 4 ou 5 gendarmes. En l'occurrence le chef JENNY 3ème à partir de la gauche. On reconnaît de gauche à droite les gendarmes LAPLAGNE, SCHELCHER, le chef JENNY, les gendarmes MODER, BRUNET, GRAND.

A noter que les autorités militaires cherchaient à constituer des brigades mixtes faites de gendarmes locaux et de gendarmes venant de l' «intérieur». JENNY et MODER originaires du Bas-Rhin étaient en outre en poste à WINTZENHEIM avant 1940. Ils reviennent dans leur caserne après guerre : une manière aussi pour les autorités de signifier la continuité et l'ordre ancien retrouvé. BRUNET est originaire de Neuf-Brisach et SCHELCHER d'Ottmarsheim. LAPLAGNE venant des Hautes-Pyrénées et GRAND du Jura sont les « français de l'intérieur ».

A noter également l'âge de ce groupe : à côté des anciens JENNY et MODER gendarmes à l'ancienne (voir leurs moustaches traditionnelles dans la maréchaussée d'entre les deux guerres mondiales) et entrés dans la gendarmerie juste après la première guerre mondiale, les autres sont de jeunes gendarmes pour la plupart entrés dans la gendarmerie juste avant la seconde guerre mondiale ou juste après.

A noter également les « culottes » portées par certains et les pantalons par d'autres. Les pantalons remplacent progressivement les culottes.

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Sur la photo suivante datée de 1955 et prise devant la porte principale de la gendarmerie encore facilement reconnaissable toute la brigade porte pantalon. On retrouve sur la photo de gauche à droite les gendarmes BRUNET, LAPLAGNE, le chef GUICHARD et le gendarme BACHMANN. Manque sur le cliché le gendarme MEDOWASKY qui prend la photo. JENNY et MODER ont pris leur retraite; SCHELCHER a démissionné de la gendarmerie et GRAND s'est tué en service dans un accident de moto près d'EGUISHEIM.

Mis à part pour la gendarmerie motorisée où les culottes sont conservées jusqu'à nos jours, celles-ci sont au début des années cinquante des marques vestimentaires d'un état ancien. Culottes avec leggins en cuir au niveau des mollets étaient la marque de la gendarmerie à cheval. Elles permettaient de monter aisément à cheval.

MODER par exemple avait commencé comme gendarme à cheval dans l'ancienne gendarmerie qui se trouvait avec ses logements et ses écuries, rue Clemenceau en centre ville. La nouvelle gendarmerie construite à la fin des années 20 sur son emplacement actuel, hors les murs, ne comportait plus d'écurie mais dans un bâtiment annexe un garage à vélos. Signe de progrès et de modernité !

Vers 1950 les culottes permettaient encore de monter facilement à bicyclette, la bicyclette étant le mode de déplacement habituel de nos gendarmes. On se déplace réglementairement toujours en patrouille de deux, le sac en cuir réglementaire en bandoulière, à pied pour les patrouilles locales et à bicyclettes pour sillonner le canton. Aller et revenir par exemple de HATTSTATT ou de HUSSEREN-les-CHATEAUX prend la journée ! Le rythme est lent mais il permet de rencontrer piétons et cyclistes, ouvriers agricoles dans les champs et les vignes, ouvriers se rendant à l'usine. Les voitures sont rares à l'époque. Une manière d'assurer un service et un travail de contacts et de proximité qui peut se révéler très fructueux à l'occasion. On rencontre systématiquement aussi les autorités – maires, secrétaires de mairie, instituteurs, notables, médecins assurant leurs tournées... et le repas de midi dans les restaurants est également l'occasion de rencontrer la population locale. On privilégie les occasions où on peut rencontrer du monde : kilbes, mariages, fêtes de toutes sortes... Bref nos gendarmes vont aux informations et pratiquent déjà de fort belle manière une police de contact et de proximité !

Pour le besoin de déplacements plus rapides la brigade dispose d'une moto – à deux places !- de marque TERROT avec levier de changement de vitesse à gauche du réservoir. Les gendarmes BRUNET et SCHELCHER sont les mécaniciens et les motards de la brigade. Les autres bénéficient du siège arrière !

La voiture ne viendra qu'en 1958 sous la forme d'une jeep provenant de l'armée et peinte en bleu pour la circonstance. Elle ne restera à l'inventaire que deux ans, se révélant à l'usage trop gourmande en consommation d'essence et sera remplacée par une sage 2CV plus économe. Pour la petite histoire à l'occasion de l'une des premières sorties de la jeep, le gendarme SCHELCHER doit transporter toutes affaires cessantes un jerrycan d'essence sur la moto à son collègue BRUNET tombé en panne d'essence au volant de la jeep quelque part du côté de LOGELBACH.

Pour mémoire on peut rappeler ici les différents chefs qui se sont succédés à la tête de la brigade durant les années d'après guerre (1945 à 1960) :

- chef JENNY parti à la retraite
- chef GUICHARD muté dans une autre brigade
- intérim assuré par le gendarme LAPLAGNE
- chef VOGEL parti à la retraite
- chef CHALDU
- chef PATINGRE promu adjudant et muté à la brigade de recherches de Colmar
- chef MOINELET parti à l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie

Bernard Laplagne, Août 2009


La gendarmerie en photos et cartes postales

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