WINTZENHEIM 39-45

1946 : 15 morts dans une collision entre un train et un bus


Quinze morts dans une effroyable collision entre un train et un bus

 

La locomotive du rapide. Dans le cercle, deux morts sur l'avant de la machine Photo parues dans « Les Dernières Nouvelles du Haut-Rhin » du 12 février 1946.

Le 11 février 1946, une effroyable collision entre un train et un bus faisait 15 morts (dont André Landbeck de Wintzenheim) et de nombreux blessés, route d'Ingersheim à Colmar. Mis en cause, le jeune garde-barrière fut inculpé pour homicide par imprudence.

Il était 7h38, ce lundi 11 février 1946, et le car n° 2324 PR 5 de la Salta, qui venait de quitter la gare de Colmar, s'élançait sur la route d'Ingersheim en direction de Lapoutroie.
Martin Koch, le chauffeur, connaissait par coeur ce trajet qu'il empruntait quotidiennement et s'engagea donc en toute confiance sur le passage à niveau dont les barrières étaient relevées, il ne vit pas arriver l'express Calais-Bâle lancé à 75 km/h !
Le bus, heurté en son milieu, fut broyé. Le conducteur de la locomotive avait bien tenté de freiner, mais sa machine n'avait pu arrêter sa course qu'à hauteur de la rue du Logelbach. Dans l'amas de ferrailles et de tôles enchevêtrées, se trouvaient une trentaine de passagers.

Un second bus passé de justesse

Arrivés rapidement sur les lieux, les pompiers, sous les ordres de l'adjudant Brendel, dégagèrent une vingtaine de blessés, dont plusieurs, dans un état grave, qui furent transportés à l'hôpital Pasteur. On pouvait déjà dénombrer sept cercueils alignés le long de la voie.
Quelques secondes avant la collision, un autre bus, qui assurait la liaison en sens inverse, venait d'échapper de justesse à la catastrophe et se trouvait à 50 mètres de distance quand l'accident se produisit.
A 8 heures, le préfet du Haut-Rhin, René Paira, le procureur de la République, Louis Bouquet, le député-maire Édouard Richard, le juge d'instruction Bourgeon et d'autres personnalités arrivèrent sur les lieux.

Ce qui reste du bus après le terrible choc (Photo Moderne Colmar)

Au moins deux défaillances dans la signalisation

La responsabilité de cette terrible catastrophe fut attribuée au garde-barrière, un jeune mutilé de guerre (trépané) de 26 ans, habitant Biesheim, qui avait été affecté à ce poste en 1941. Il fut arrêté et inculpé pour homicide par imprudence.
L'enquête ouverte par le parquet permit de mettre en évidence au moins deux défaillances : d'une part la cloche actionnée depuis la gare de Bennwihr dont la sonnerie retentissait cinq minutes avant le passage des trains n'avait pas fonctionné et, bien que sa défectuosité eut été constatée la veille à 18h30, aucune réparation n'avait été entamée ; d'autre part, le signal automatique, appelé « crocodile », qui se déclenchait quand un convoi se trouvait à 1200 mètres du passage à niveau, n'avait donné aucune information ni à ce passage, ni au précédent, rue Henry-Wilhelm.
L'examen médical de l'employé révéla que, nonobstant sa trépanation, le jeune agent était sain de corps et d'esprit. Il avait pris son service à 6 heures du matin, après avoir parcouru 18 km à vélo par un froid assez vif.
Il est possible que le fait de se retrouver brusquement dans l'atmosphère surchauffée et saturée d'oxyde de carbone de sa baraque, ait momentanément amoindri ses facultés.
Le quotidien en conclut que, même si le jeune homme, qui connaissait l'heure exacte des passages de tous les convois, n'avait sans doute pas respecté les consignes qui s'appliquent en cas d'anomalie, on ne pouvait toutefois pas lui imputer l'entière responsabilité de ce drame qui suscita une vive émotion dans la ville.

Textes : Jean-Marc LALEVÉE, L'ALSACE du mardi 11 février 2020


Le lieu où s'est déroulé le drame, route d'Ingersheim à Colmar. De nos jours, les bus ne risquent plus de se faire percuter par les trains, qui circulent au-dessus (photo Jean-Marc Lalevée)

Le grand responsable : les passages à niveau

Pour le journal L'Alsace, en février 1946, l’arrestation du malheureux garde-barrière n’était pas la solution : les morts n’en seraient pas rendus pour autant à leurs familles.
Pour le chroniqueur de l’époque, le véritable responsable de l’accident reste bien « l’éternel passage à niveau qui avait déjà fait couler tant de sang. Ces équipements sont une plaie, même quand leur fonctionnement est assuré de façon humaine ».
Colmar possédait alors six de ces passages, situés dans des rues très passantes et au trafic ferroviaire important. Ils représentaient un danger constant et constituaient une entrave non moins constante à la circulation.

« Un heureux retard tragiquement comblé »

Avec ironie, le journaliste releva que : « Si, jusqu’à présent , les accidents avaient été rares à Colmar, cet heureux retard était à présent terriblement et tragiquement comblé ! La suppression des passages à niveau était ardemment réclamée par les cheminots eux-mêmes et le seul obstacle auquel elle se heurte est d’ordre financier. Mais qu'importe la dépense quand il s’agit d’épargner des vies humaines ? La somme que la SNCF dut verser pour indemniser les familles des victimes, aurait suffi à couvrir les frais de suppression des passages à niveau et leurs remplacements par des passages en dessus. »
Depuis l’électrification du réseau ferré en France dans les années 1950, il n’existe plus aucun passage à niveau de ce type, sur cette ligne.



Les victimes

L'accident du 11 février 1946 a fait 15 morts et de nombreux blessés.
Les obsèques des victimes eurent lieu jeudi 14 février 1946 à 10 heures à la collégiale Saint-Martin, pour les catholiques, à 14 heures au temple Saint-Matthieu pour les protestants et à Wintzenheim, pour un habitant de cette commune.

Décédés sur le lieu de l'accident :
- Édouard Schramm (35 ans, plâtrier)
- Édouard Warth (36 ans, maçon)
- Nicolas Bentz (61 ans, chef de train)
- Antoine Engasser (43 ans, charpentier)
- Émile Munsch
- Michel Ritzenthaler
- Philippe Sessa (62 ans, maçon)
- Robert Laucher (40 ans, instituteur), tous de Colmar.
- André Landbeck (18 ans, électricien), de Wintzenheim, et
- Louise Fessler née Imbach (29 ans, charcutière), de Mulhouse
figurent également parmi les victimes.

Décédés à l'hôpital :
- Victor Schluck (20 ans, plâtrier)
- Maria Wybrecht, divorcée Essler (61 ans)
- René Kolb (34 ans, restaurateur)
- Charles Fritsch (33 ans, gérant de la Banque populaire de Kaysersberg)
- Charles Boog (18 ans électro-monteur, décédé le 15 février 1946), tous de Colmar.

Les blessés admis à l'hôpital :
- Martin Koch (43 ans, le chauffeur du car)
- Achille Glethé (40 ans)
- Albert (46 ans) et André (15 ans) Schluck (père et fils)
- Marthe Petermann
- Jérôme Buhlen (57 ans)
- Jeannette Kohler (19 ans)
- Joseph Holtzer (43 ans), tous de Colmar.
- Henri Miclo (22 ans, d'Orbey) et
- Arsène Heinrich (43 ans, de Strasbourg).

Blessés légers rentrés chez eux après soins :
- Auguste Holtzer (21 ans)
- René Furst (26 ans)
- Berthe Buhlen (23 ans)
- Éléonore Hoeck.

D'après les DNA de l'époque, huit blessés graves ont été transportés à l'hôpital dans une camionnette de l'entreprise de construction André Bricola et cinq autres dans une voiture privée !

Trois personnes ont été miraculeusement rescapées :
- Mlle Ritzenthaler, institutrice à Ingersheim
- Mlle Grillon, institutrice à Ammerschwihr
- M. Thoman, tous trois de Colmar, qui étaient assis à l'avant du car.


Nous recherchons des photos de l'accident, s'il en existe.

Contact : Guy FRANK ou Marie-Claude ISNER


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