La construction de la poudrière du Logelbach date de l'époque de la réunion
de l'Alsace à la France. Elle contenait deux moulins, dans lesquels on pouvait
battre 800 kilogrammes de poudre par jour, lorsque les eaux [du
Logelbach] étaient bonnes [pour faire
tourner les moulins]. On y confectionnait trois espèces de poudre.
Le 26 juillet 1822, après six heures et demie du matin, et tandis qu'une partie
des habitants de Colmar était encore endormie, deux secousses consécutives
jetèrent l'épouvante dans la ville. Les maisons furent ébranlées, plusieurs au
point de menacer ruine. A l'instant, tout le monde, bien portants et malades,
vieillards et enfants, se jetèrent hors du lit ; les rues se remplirent de gens
consternés qui cherchaient à sauver leur vie.
On courait en tous sens, se
demandant réciproquement ce qui était donc arrivé ?...
Gravure parue dans "Der Wanderer im Elsass" (Le Touriste en Alsace) N° 19 - 28 juillet 1888 (collection Guy Frank)
La poudrière a sauté, les bâtiments environnants sont en feu, beaucoup de
personnes ont été mises en pièces, et leurs corps mutilés, lancés dans les
champs, d'autres sont enterrés sous les décombres, un plus grand nombre encore
est blessé ; tels étaient les bruits alarmants qui se répandirent en un instant,
comme un torrent, et qui, passant de bouche en bouche, remplirent toutes les
âmes de terreur.
En tous temps, les bons habitants de Colmar se distinguèrent
dans les circonstances malheureuses par leur courage, leur dévouement et leur
amour du prochain. Ils agirent de même à cette occasion et se précipitèrent en
foule vers la poudrière.
Les pompiers à l'envi des autres
citoyens, animés de leur zèle et de leur dévouement accoutumés, coururent avec
les pompes vers le lieu du désastre, avec la ferme et unanime résolution de tout
faire pour arrêter les ravages du feu et sauver les malheureux qui étaient
enterrés sous les décombres.
Le surplus des habitants qui jusqu'alors n'avait été que vaguement instruit de ce triste évènement, resta pendant ce temps dans la ville, où les autorités prirent toutes les mesures de précaution que les circonstances commandaient. Plusieurs gardes, entre autres celle de la prison, où se trouvaient les détenus compromis dans l'affaire de la conspiration de Belfort, furent considérablement renforcées, et des patrouilles parcouraient les rues.
Tout-à-coup se répandit un nouveau bruit, encore plus alarmant que les précédents. Le grand magasin était en feu, et comme on ne pouvait en approcher pour l'éteindre, il allait sauter d'un moment à l'autre !... Le cri : sauve qui peut ! se fit entendre dans les rues. Une terreur panique saisit les hommes, les femmes et les enfants rassemblés devant leurs maisons ; le trouble, la consternation étaient peints sur tous les visages. Le prochain écroulement des maisons, la mort la plus cruelle de leurs habitants semblaient inévitables. Les pères et les mères cherchaient en pleurant leurs enfants répandus dans le voisinage, pour au moins périr avec et près d'eux. Des femmes couraient désespérées vers le chemin de la poudrière, où leurs maris, animés du désir de porter secours à leurs semblables, s'étaient noblement élancés. A leur tour, elles voulaient les arracher au danger ou périr avec eux. D'autres abandonnant leur avoir et ne songeant qu'à se sauver avec les leurs, emmenaient avec eux, femmes, enfants et domestiques, se dirigeaient en hâte par le plus court chemin vers les portes de la ville, et cherchaient leur salut dans la campagne.
Les habitants passèrent une grande demi-heure dans cette mortelle terreur, lorsqu'enfin on reçut la consolante nouvelle que le grand magasin avait déjà sauté lors de la seconde explosion, et que par conséquent, il n'y avait pas de nouveau danger à craindre. La cruelle perplexité dans laquelle on s'était trouvé cessa enfin.
Le reste de cette déplorable journée fut employé à éteindre le feu et à retirer de dessous les décombres les malheureuses victimes qui y étaient ensevelies. Le lendemain, on apprit les détails suivants sur ce malheureux évènement.
Source : Der Wanderer im Elsass N° 18 du 21 juillet et N° 19 du 28 juillet 1888 (collection Guy Frank)
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