WINTZENHEIM.HISTOIRE

Les baraquements de la rue du Logelbach


Les baraques "Lucchina"

Après la guerre de 1939-1945 et les destructions dues aux combats de la Poche de Colmar, l'heure était à la reconstruction.
Manquant de main d'oeuvre, l'entrepreneur Hugo Lucchina, de Wintzenheim, a fait appel à des compatriotes, et fait venir des maçons d'Italie.
Pour héberger ces immigrés italiens, il a installé rue du Logelbach, angle rue des Martyrs, des logements provisoires en bois.

Wintzenheim Combier 1

Carte postale Combier 231-20 ayant circulé en 1962.

La flèche montre les baraquements. 

(collection Guy Frank)

Wintzenheim Combier 1 - Zoom

Zoom de la photo précédente.

Sur cette photo,
les baraquement sont à gauche de la rue du Logelbach,
à l'angle de la rue des Martyrs..

A droite, l'épicerie Finance. 

(collection Guy Frank)

Wintzenheim Combier 2

Carte postale Combier 231-18 ayant circulé en 1961.

La flèche montre les baraquements. 

(collection Guy Frank)

Wintzenheim Combier 2 - Zoom

Zoom de la photo précédente.

Sur le haut de la photo, on distingue d'autres baraquements
qui se trouvaient au bout de la rue Aloyse Meyer, près du terrain de foot.

(collection Guy Frank)

L'exemple de Domenico et Fiorina Minutti

Domenico Minutti, né le 18 août 1913 dans le petit village de San Vito di Fagagna au nord de l'Italie, est entré en France le 4 octobre 1946 pour travailler comme maçon dans l'entreprise Lucchina à Wintzenheim.
L'année suivante, son épouse, Fiorina Bonetti, née le 26 juin 1925 à San Vito di Fagagna, et sa fille Pierrina âgée de quelques mois à peine ont quitté l'Italie le 4 octobre 1947 et l'ont rejoint dans les baraquements 8 rue du Logelbach.

Ils ont été rejoints par la suite par les parents de Fiorina, Irma et Attilio Bonetti, ainsi que par ses frères Valerio et Danilo Bonetti et sa soeur Amélie Bonetti, épouse Pagura.
En 1965, Domenico et Fiorina ont acheté une maison vers Logelbach, rue du Schlittweg sur le ban de Turckheim.

Domenico est décédé à Turckheim le 28 décembre 1998. Son épouse Fiorina est décédée le 11 février 2020 à Colmar.
Ils avaient une fille, Pierrina Minutti épouse Rebronja, née le 17 juin 1947 à San vito di Fagagna, décédée le 16 juillet 2009 à Colmar (mère de Marilyn et Samira, a fait carrière chez JAZ),
et deux garçons, Robert Minutti né le 26 mai 1949 à Colmar, décédé le 6 avril 2021 aux Trois-Epis, et Gérard Minutti né le 22 avril 1957 à Colmar.

Wintzenheim

PHOTO 01

Fiorina et Domenico Minutti devant les baraquements de la rue du Logelbach

(collection Samira Rebronja)

Wintzenheim

PHOTO 02

Devant les baraquements :

Amélie Bonetti, épouse Pagura (1932-2018) avec les enfants

Robert Minutti, Pierrina Minutti qui tient un bébé qui pourrait être Marcel Pagura (1952),

et une petite fille non identifiée.

(collection Samira Rebronja)

Wintzenheim

PHOTO 03

En face des baraquements, devant la maison de Laurent et Cécile Finance qui tenaient une épicerie.

De gauche à droite :

Homme ?, Fiorina et Domenico Minutti, femme ?

Enfants : fille ?, Pierrina Minutti, 2 filles ?

(collection Samira Rebronja)

Wintzenheim

PHOTO 04

Fiorina Minutti avec ses trois enfants :

Robert (1949), Gérard (1957) et Pierrina (1947)

(collection Samira Rebronja)

Wintzenheim PHOTO 05

Domenico et Gérard devant les baraquements vers 1962.

A gauche, on voit la façade de l'épicerie Finance.

(collection Samira Rebronja)

Wintzenheim PHOTO 06

Début janvier, après la galette des rois

De gauche à droite :
? ?, Gérard, Jean-Marie

A l'arrière, l'épicerie Finance, rue du Logelbach,
qui se trouvait en face des baraquements.

(collection Samira Rebronja)
Wintzenheim SCHLITTWEG

En 1965, Domenico et Fiorina Minutti ont acheté une maison vers Logelbach,
au lieu-dit Moulin Rouge, 1 rue du Schlittweg, sur le ban de Turckheim.

(collection Samira Rebronja)

Anecdotes et Témoignages

Hélène Belland née Lucchina : Les baraques avaient été achetées au MRU après la guerre, elles avaient servi auparavant aux sinistrés de la guerre. Elles étaient meublées sommairement et on y logeait des ouvriers italiens célibataires qui rentraient chez eux en hiver. Mon père Hugo Lucchina leur fournissait des couvertures que ma mère lavait régulièrement... Quand ils faisaient venir leur famille d'Italie, mon père essayait de leur trouver un logement et se portait garant pour les loyers. Ensuite, quand ils désiraient acheter un terrain ou une maison, mon père les aidait aussi. Plus tard ces baraques ont été démolies et deux maisons ont été construites sur le terrain dont celle de Mme Pilotelle qui travaillait à la Mairie. Les ouvriers qui habitaient dans ces logements faisaient vivre l'épicerie Finance qui était en face, ils y avaient un compte et payaient une fois par semaine. MRU : Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. Créé en 1944, ce ministère est représenté dans chaque département par une délégation dont la mission est l’approbation et le contrôle des plans de reconstruction et d’aménagement du bâti détruit par fait de guerre.

Christian Buhler : J'habitais rue des Martyrs à l'époque... et on jouait avec les Militello et les Minutti... Et l'épicerie de Mme Finance... toute mon enfance !

Patrice Dussel : J’ai connu ces baraques quand je visitais les grands-parents paternels dans le quartier, j’ai aussi connu l’épicerie chez Cécile ! Oh que de souvenirs ! Le munster emballé dans du journal. On ramenait les verres de yaourt consignés, on était écolos, nous, sans le savoir, mais par principe et par amour de la nature ! La famille Minutti habitait ces baraques avant de partir vers le « moulin rouge » route de Logelbach. Mais malgré tout belle époque, pas de regrets, nous étions heureux avec trois fois rien. Elle était belle cette génération !

Jean-Louis Meyer : Nous habitions au 14 rue du Logelbach, à deux pas des baraques de nos Italiens. Avec ma soeur Annick nous y passions pas mal de temps à jouer avec les enfants de ces familles, notamment Roberto Minutti. Pour nous c'était un peu d'exotisme que de se retrouver au milieu des familles qui parlaient essentiellement en italien. Les enfants scolarisés avec nous ont très vite parlé le français, facilitant nos jeux. Je me rappelle avoir été intrigué par ces maçons qui après leur travail chez Lucchina fabriquaient des agglos en coulant du béton dans des moules en bois. En plus des Minutti et des Bonetti, il y avait là je crois la famille Sut et les Zampieri. Ce dernier a utilisé ses agglos "maison" qui séchaient devant les baraques pour construire sa maison à l'arrière de la rue des Trois-Epis à Turckheim. Je me rappelle de familles très modestes qui vivaient avec peu de moyens mais les relations avec les autres habitants du quartier étaient toujours fort cordiales. Ces gens étaient appréciés parce qu'ils étaient travailleurs et très discrets. Par la suite toutes ces familles se sont harmonieusement intégrées dans le tissu local, avec pas mal de réussites pour certains. A l'épicerie Finance, chez Cécile, les femmes achetaient les pâtes en vrac, des brassées de macaronis ou de spaghettis puisés dans les grands tiroirs en bois de l'épicerie. Pour le reste c'était souvent la débrouille et l'entraide entre gens venant du même pays : ils vivaient pauvrement mais étaient heureux et à force d'efforts ils ont connu des lendemains qui chantent !

Tschinggala : terme parfois utilisé en Alsace pour désigner les Italiens (provient de Tschinggali, en Suisse, fin XIXe siècle, de la transcription du mot cinq, utilisé dans un jeu très pratiqué par les Italiens)

Transfert des salaires en Italie

Dès la fin des hostilités, l’émigration se présente comme une nécessité tant pour la France que pour l’Italie. Alors que la France souhaite faire venir une main-d’œuvre pour participer à la reconstruction et à la reprise de la croissance démographique, l'Italie prend très vite conscience des potentialités de l’émigration pour lutter contre le chômage, en envoyant à l’étranger les travailleurs superflus.

L'émigration italienne est principalement constituée d’hommes venus en France pour travailler dans le bâtiment. En raison de la pénurie de logements qui règne en France après la guerre, les émigrés ne peuvent pas venir accompagnés de leur famille et la vague d’émigration est principalement constituée, dans un premier temps, d’hommes seuls ou célibataires.

L’article 12 du traité franco-italien du 21 mars 1951 prévoyait la possibilité pour les travailleurs italiens de bénéficier en France des allocations familiales même si leur famille était restée en Italie. Ils pouvaient  transférer à leurs femme et enfants de moins de 18 ans jusqu'à 60 % du salaire net en espèces. Les travailleurs sans charges de famille en Italie ne pouvaient transférer que 30 % de leurs salaires.

(collection Samira Rebronja)
C'est ce que révèle le Livret de Paye de Domenico Minutti, maçon de l'entreprise Lucchina à Wintzenheim.

Ce livret de paie pour l'inscription des salaires des ouvriers italiens, délivré le 26 novembre 1954 par la Direction Départementale du Travail et de la Main-d'oeuvre, l'autorisait à transférer chaque mois au maximum 30 % de son salaire mensuel à son père Pietro resté à San Vito di Fagagna en Italie (Udine). L'argent était adressé à sa tante, Virginia Minutti, la soeur de Pietro. Ils habitaient ensemble.

D'après un récépissé, il a ainsi envoyé 3000 francs français le 7 avril 1955, soit 10 % de son salaire de mars qui sélevait à 30261 Frs.

(collection Samira Rebronja)

Des baraques de prisonniers de guerre près de la batteuse (Dreschmaschine)

René Meyer-Brauneisen : A la fin de la Guerre 39-45, des prisonniers allemands logaient dans des baraques près de la batteuse au bout de la rue du Logelbach (actuellement coopérative agricole). Le matin, leurs gardiens les cherchaient pour les emmener chez leurs "employeurs". En fin de journée, ils les ramenaient à leurs baraques.

Guy Frank : Après la Victoire de 1945, Wintzenheim a disposé de prisonniers de guerre (PGA), essentiellement allemands, mis à la disposition des cultivateurs, hôteliers-restaurateurs et artisans de la localité. Ces prisonniers de guerre étaient logés dans des baraquements. Deux gardiens armés et rémunérés étaient chargés de leur surveillance : A. Koch et E. Boberieth. En 1947, le Commando communal comptait 54 prisonniers répartis chez 48 employeurs de Wintzenheim-centre, La Forge, Walbach, Zimmerbach et Logelbach. Début 1948, ce nombre est tombé à 29, puis 13 en juillet de la même année, diminuant au fil des mois en raison des remises en liberté et des évasions. Outre le Commando communal (travaux agricoles) de 60 PGA, Wintzenheim disposait encore d'un Commando forestier (10 PGA), d'un Commando de déminage (33 PGA), d'un Commando Lucchina (18 PGA). Pour les vendanges, les vignerons disposaient d'un contingent supplémentaire.


Nous recherchons des articles de presse, témoignages, documents et photos des baraquements construits après la guerre Rue du Logelbach à Wintzenheim.


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