L'autonomisme en Alsace-Lorraine demeure officiellement un sujet tabou. Les nombreuses Sociétés d'histoire qui couvrent l'Alsace abordent avec délices la préhistoire et l'archéologie, l'époque romaine, le Moyen Age et les temps contemporains, mais elles évitent soigneusement de dépasser la barre fatidique de 1871. Au delà, et jusqu'en 1940, c'est le silence, un silence voulu ou imposé, le silence du refoulement : il n'est pas honnête d'en parler, et encore moins d'écrire sur un tel sujet !
Ce livre brise le tabou. Non par goût du scandale, mais pour libérer et éclairer. Les populations d'Alsace-Lorraine d'abord, mais aussi celles de la France entière, ont droit de savoir ce qui se cachait en réalité derrière ce nom fascinant et inquiétant : Alsace-Lorraine.
Cette histoire n'est point comme les autres. Elle ne flatte aucun patriotisme officiel. Elle se veut sans compromission au service de la dignité et de la tragédie d'une nation "interdite", toujours victime de l'orgueil et de l'impérialisme de ses voisins. Cette histoire est ethnique : le mythe y perd, la vérité y gagne.
Ce n'est pas une histoire gaie, mais le chemin de croix de deux fragments des peuples rhénans alaman et francique se débattant, au gré du déplacement de forces brutales ou insidieuses, sous l'emprise statocratique d'un vainqueur militaire, tantôt allemand, tantôt français.
Ce chemin de croix, arrosé de larmes amères et taché de sang innocent, doit conduire quelque part. Au delà des États dits chrétiens, qui ont commandé les plus effrayants massacres de notre histoire, il doit mener vers un sommet. Ce sommet, c'est l'Europe réconciliée ; non point une Europe quelconque, une Europe des États implacables et sacralisés ou une Europe des régions capitalistes, mais l'Europe authentique des hommes, l'Europe des ethnies fraternelles.
Cette histoire de l'Alsace-Lorraine se veut aussi un témoignage d'attachement à la terre natale, à la Heimat, l'unique patrie authentique, car, comme le chante André Weckmann :
Du aber du,
klobiger Lehm am Schuh,
du, die keinen mehr freigibst,
der je einmal an deiner Warze gelullt,
Mutter, du rotweisse,
ich kann nicht
von dir
lassen !
(Mais toi, oui toi, morceau de glaise qui colles à ma chaussure, toi, qui ne libères jamais plus quiconque a sucé ton sein un jour, Mère, toi la rouge-blanche, je ne puis me passer de toi !)